Procédure d’incorporation d’un bien sans maître au patrimoine communal

Publié le mardi 21 octobre 2025

Sont concernés les biens des successions ouvertes depuis "longtemps"

Cet article décrit la procédure recommandée pour les biens correspondant au 1° de l’article (Ouvre une nouvelle fenêtre) L1123-1 du CG3P : les biens d’une succession ouverte depuis plus de 30 ans (10 ans dans certains secteurs).

En vertu de la combinaison des articles (Ouvre une nouvelle fenêtre) 713 du Code civil et (Ouvre une nouvelle fenêtre) L1123-2 du CG3P, les biens composant une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s'est présenté appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés.

Les biens sans maîtres sont ainsi acquis par la collectivité de plein droit et sans formalité particulière. Toutefois, afin d’assurer la sécurité juridique de l’opération, il est nécessaire de suivre certaines grandes étapes.

Par ailleurs, une collectivité qui incorpore, de façon irrégulière, un bien à son patrimoine s’expose à la restitution du bien à son véritable propriétaire ou au paiement d’une indemnité. En France, la propriété privée fait l’objet d’une protection constitutionnelle ( (Ouvre une nouvelle fenêtre) art. 17 de la DDHC).

S’assurer que la situation du bien sans maître est identifiée

Avant toute chose, il convient de s’assurer que le bien répond à la définition d’un bien sans maître aux termes du 1°de l’ (Ouvre une nouvelle fenêtre) article L1123-1 du CG3P :

Cet article apporte plus d’information sur les éléments de définition d’un bien sans maître.

1 - Réaliser une enquête préalable à l’acquisition d’un bien sans maître

Avant qu’un bien sans maître puisse être incorporé au patrimoine communal, il est essentiel de procéder à une enquête approfondie. Cette étape garantit la sécurité juridique de l’opération en vérifiant que le bien remplit effectivement les conditions pour être considéré comme sans maître.

Cette enquête, parfois longue et coûteuse, a pour objectif de rassembler le maximum d’informations sur le bien et sur ses anciens propriétaires.

a) Vérification du décès du dernier propriétaire connu

La date du décès du dernier propriétaire est un élément déterminant, car elle permet de faire courir certains délais légaux. Il est donc nécessaire de confirmer la réalité du décès et d’en établir la date certaine :

La dernière adresse connue peut être celle présente sur Zéro Logement Vacant, ou sur le relevé de propriété préalablement effectué.

b) Recherches d’héritiers et de titulaires de droits réels sur le bien

L’enquête doit ensuite permettre de déterminer si des héritiers existent et, le cas échéant, s’ils ont renoncé expressément ou tacitement à la succession.

Egalement, il est question de rechercher si le bien est grevé d’hypothèque ou fait l’objet d’un démembrement de propriété (c’est à dire que les prérogatives du droit de propriété sont réparties entre usufruitier et nue-propriétaire).

Pour cela, plusieurs démarches sont recommandées auprès des services décentralisés de la DGFIP :

Il est également recommandé de contacter les études notariales locales susceptibles d’avoir traité la succession du défunt ; mais aussi d’interroger le voisinage, qui peut fournir des renseignements utiles sur les héritiers, l’abandon du bien ou son occupation.

Dans tous les cas, il est recommandé de conserver une trace écrite de toutes les démarches effectuées afin de constituer un dossier complet et opposable en cas de contestation ultérieure.

Pourquoi réaliser une enquête ?

La conduite d’une enquête sur le bien sans maître permet de retrouver les éventuels héritiers qui n’auraient pas été identifiés jusqu’à présent et qui seraient susceptibles de revendiquer leurs droits sur le bien.

Le délai de prescription pour revendiquer une succession

Ce délai est particulièrement important lorsque le bien sans maître est mobilisé dans le cadre du délai dérogatoire de 10 ans.

Le délai de prescription du droit d’opter d’un héritier est de 30 ans pour les décès intervenus avant le 1er janvier 2007 et de 10 ans pour ceux intervenus à partir du 1er janvier 2007.

Ce délai commence à courir à partir du jour où le titulaire du droit en a connaissance ( (Ouvre une nouvelle fenêtre) art. 780 C.civ. al.5) : il peut donc commencer à courir plusieurs années après le décès (notamment si l’héritier n’a pas connaissance du décès ou que le testament est discuté en justice).

Dans la plupart des cas, le délai d’option ne peut se prolonger au delà de 20 ans après le décès. Attention toutefois, il existe des exceptions (alinéa 2 de l’ (Ouvre une nouvelle fenêtre) article 2232 du Code civil).

L’enquête a également pour objectif, pour la collectivité, de prendre connaissance des options exercées par les héritiers connus : en particulier, il convient de s’assurer que les éventuels héritiers connus ont renoncé à la succession.

Contraindre un héritier à exercer son droit d’option

Lorsqu’un héritier a été contraint d’opter par sommation d’opter ( (Ouvre une nouvelle fenêtre) art. 771 et (Ouvre une nouvelle fenêtre) art. 772 C. civ), le défaut de réponse dans un délai de 2 mois emporte acceptation pure et simple de la succession. Il est toutefois possible pour l’héritier pouvant se prévaloir de motifs sérieux de demander un délai supplémentaire auprès du juge.

L’Etat est en droit de sommer un héritier d’opter, mais aussi le sont les créanciers de la succession, les cohéritiers et les héritiers de rang subséquent. La sommation d’opter peut être formulée passé un délai minimum de 4 mois après le décès ( (Ouvre une nouvelle fenêtre) art. 771 C. civ).

Ainsi, si l’enquête révèle l’existence d’un héritier n’ayant pas opté et toujours en position de le faire, l’Etat peut le sommer d’opter afin qu’il se positionne plus rapidement et que la situation du bien évolue :

- soit l’héritier accepte et acquiert la propriété du bien (dans ce cas, la collectivité ne peut plus acquérir le bien, ne s'agissant pas d'un bien sans maître),

- soit il ne se prononce pas et est réputé acceptant (dans ce cas, la collectivité ne peut plus acquérir le bien, ne s'agissant pas d'un bien sans maître),

- soit il renonce et la collectivité peut continuer la procédure d’acquisition.

L’enquête est aussi réalisée en vue de s’assurer qu’il n’y ait pas de possesseur qui puisse usucaper le bien (c’est à dire, prouver qu’il a agit comme un propriétaire tout au long du délai de prescription acquisitive et peut revendiquer un droit de propriété sur le bien). Si l’usucapion est démontré, il prévaut sur le titre de propriété.

Délai de prescription acquisitive (ou usucapion)

En matière de prescription acquisitive, le délai de droit commun est de 30 années. Toutefois, ce délai peut être ramené à 10 ans en cas de bonne fois du possesseur ( (Ouvre une nouvelle fenêtre) art. 2272 C. civ).

La prescription acquisitive est régit par les (Ouvre une nouvelle fenêtre) articles 2258 à 2277 du Code civil.

2 - Délibération du conseil municipal autorisant l'incorporation du bien sans maître

Il est recommandé que le Conseil municipal autorise le maire à incorporer le bien dans le patrimoine de la collectivité. Cette délibération est prise sur le fondement de l’ (Ouvre une nouvelle fenêtre) article L.2121-29 du CGCT.

La délibération doit faire l’objet d’une publication afin de permettre l’opposabilité aux tiers : elle doit être portée à connaissance des tiers afin de permettre la transparence et l’accès à l’information, dans le but que d’éventuels recours contentieux puissent s’exercer ( (Ouvre une nouvelle fenêtre) art. L2131-1 du CGCT).

Quelles sont les modalités d’affichage de la délibération ?

Depuis la réforme de 2022, la publicité par voie électronique est privilégiée (par exemple, sur le site internet de la collectivité), bien qu’il soit laissé la possibilité aux communes de moins de 3500 habitants de choisir leur mode de publicité (elle peuvent opter, par délibération, pour un affichage en mairie). Pour plus de détails, se référer à l’ (Ouvre une nouvelle fenêtre) article L2131-1 du CGCT.

Est-ce que la commune peut refuser d’acquérir un bien sans maître ?

Le conseil municipal peut décider, par délibération, que la commune ne souhaite plus exercer ses droits sur tout ou partie de son territoire. Dans ce cas, ses droits sont transférés à l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont la commune fait partie.

Les biens sans maître deviennent alors la propriété de cet EPCI.

Si, ni la commune, ni l’EPCI, ne veulent exercer leurs droits, la propriété des biens est automatiquement transférée :

1° Pour les biens situés dans les communes riveraines des mers, océans, estuaires (zones protégées définies par (Ouvre une nouvelle fenêtre) art. L. 322-1 du Code de l’environnement), au Conservatoire du littoral (s’il le demande), ou sinon au conservatoire régional des espaces naturels agréé, ou, en dernier recours, à l’État ;

2° Pour les autres biens, après accord du préfet de région, au conservatoire régional des espaces naturels agréé (s’il le demande), ou, sinon, à l’État.

Si la commune et/ou l’EPCI ont renoncé à leur droit, ils doivent en informer la préfecture par courrier.

La préfecture constatera alors, par arrêté, le transfert de propriété dans le domaine de l’État ou d’un des organismes cités.

3 - Acte d’appropriation du bien sans maître par la collectivité

Un procès verbal établit par le maire permet de formaliser la prise de possession par la collectivité. Celui-ci doit décrire le plus précisément possible la localisation et la consistance du bien objet de la procédure. Le procès verbal doit ensuite être affiché selon les modalités de (Ouvre une nouvelle fenêtre) l’article L.2131-1 du Code général des collectivités territoriales.

Quelles sont les modalités d’affichage de l’acte d’appropriation ?

Depuis la réforme de 2022, la publicité par voie électronique est privilégiée (par exemple, sur le site internet de la collectivité), bien qu’il soit laissé la possibilité aux communes de moins de 3500 habitants de choisir leur mode de publicité (elle peuvent opter, par délibération, pour un affichage en mairie). Pour plus de détails, se référer à l’ (Ouvre une nouvelle fenêtre) article L2131-1 du CGCT.

Le bien sans maître acquis appartient-il au domaine public ou privé de la commune ?

Le bien ainsi incorporé appartient au domaine privé de la collectivité, sauf s’il remplit les conditions fixées par les articles (Ouvre une nouvelle fenêtre) L2111-1 et (Ouvre une nouvelle fenêtre) L2111-2 du CG3P.

Quelles sont les conditions de la domanialité publique ?

Pour qu’un bien fasse partie du domaine public d’une personne publique, il faut qu’il soit ( (Ouvre une nouvelle fenêtre) L2111-1 du CG3P) :

- affecté à l'usage direct du public,

- ou affecté à un service public pourvu qu'en ce cas il fasse l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public.

Font également partie du domaine public, les accessoires indispensables à l’utilisation d’un bien appartenant au domaine public ( (Ouvre une nouvelle fenêtre) L2111-2 du CG3P).

4 - Enregistrement de l'acquisition du bien sans maître à la publicité foncière

Il est vivement recommandé de publier l’acquisition du bien par la commune au fichier immobilier ( (Ouvre une nouvelle fenêtre) formulaire 3265 SD). Cela permet de rendre la propriété de la collectivité opposable aux tiers. En d’autres termes, par effet de la publication, personne ne peut prétendre ignorer la qualité de propriétaire de la collectivité.

Il s’agit de la dernière étape permettant d’assurer la protection juridique de la collectivité qui acquiert un bien sans maître.

Avertissement : les éléments d’information contenus dans cet article sont fournis au regard de la réglementation en vigueur et de la jurisprudence existant à la date de sa publication. Il s’agit d’une information générale qui ne saurait servir à résoudre des cas particuliers. L'emploi de ces informations ne saurait engager la responsabilité de Zéro Logement Vacant, ni de son auteur.

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